«Le PS a besoin d’une présidente»

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INTERVIEW. Le Temps, 13 novembre 2019.

Propos recueillis par Boris Busslinger  

Professeur de science politique à l’Université de Genève, Nenad Stojanović est également affilié au Parti socialiste. Au lendemain de l’annonce de la démission de son président suisse, Christian Levrat (FR), et quelques semaines après des élections fédérales difficiles pour le camp rose, il s’exprime sur la situation actuelle au sein du parti.

Comment jugez-vous le bilan de Christian Levrat sur ces douze dernières années?

Sur la base des résultats électoraux, on ne peut pas dire que son bilan soit très positif. Le PS a perdu des points par rapport à la situation héritée par Christian Levrat en 2008. Le parti est désormais descendu à 16,8% de voix aux élections au Conseil national, le résultat le plus bas depuis l’introduction de la proportionnelle en 1919. En tant que président, il a cependant bien assuré son rôle. En se positionnant au centre du PS, il est parvenu à garder le parti et ses différentes ailes unis, ce qui n’était pas gagné d’avance. Sous la Coupole, il a aussi fait preuve d’une grande intelligence tactique pour négocier des compromis avec les différents groupes parlementaires.

Des erreurs ont-elles été commises par le PS lors de la dernière campagne?

Le PS est bien ancré à gauche, avec un savoir-faire en matière environnementale tout aussi solide que celui des Verts, voire davantage. L’électorat s’est plus largement orienté vers ces derniers, c’est peut-être injuste mais il faut en tirer des conclusions. Dans le futur, les socialistes devront réfléchir au poids à accorder aux différentes thématiques et éventuellement laisser le «lead» sur l’environnement aux Verts – tout en combattant à leurs côtés lors des votations sur le sujet – pour se focaliser davantage sur la lutte contre les inégalités. Il faut que le parti choisisse ses priorités et se positionne de manière plus claire sur les questions de justice sociale. J’ajoute que si le résultat des élections ne parle pas en faveur de Christian Levrat, il serait faux de lui attribuer une trop grande influence dans cette déconvenue. En Suisse, le président d’un parti ne dicte pas sa loi aux sections cantonales.

De quel type de profil le parti a-t-il désormais besoin pour mener ses troupes?

Si Cédric Wermuth (PS/AG) était une femme, ce serait la figure idéale. On peut aussi imaginer une coprésidence. Mais quelle que soit la solution retenue, une présence féminine me paraît nécessaire. Au cours de ces 30 dernières années, le score le plus élevé – 23,3% – a été atteint en 2003, sous la présidence d’une femme, Christiane Brunner! Cela doit absolument être quelqu’un qui conserve un ancrage clair et solide à gauche, sans se faire trop influencer. Ni par les syndicats, ni par l’aile libérale du parti. Le PS a besoin d’un nouveau profil combatif et militant, qui recentre les priorités du groupe sur ses thématiques fortes comme l’AVS, la baisse des primes maladie ou encore le combat contre la pauvreté.

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